Photographe français qui a couvert la vie de bien des artistes dans les années 1980-1990, Jean-Claude Lagrèze était un oiseau de nuit. On retrouve ses œuvres et son œil dans un beau livre, Paris Underground (*).
A Paris, les années 80-90 furent celles des fêtes, des longues nuits et de bien des délires. Une époque qui vit jaillir bien des courants : du Punk à l’Electro en passant par la New Wave. Né à Saïgon et mort, très jeune, à Paris en 1994, Jean Claude Lagrèze a toujours été fasciné par les célébrités, le monde des noctambules et il fut un acteur et un observateur des nuits parisiennes dans des lieux devenus mythiques : l’Opéra Night, le Palace ou encore les Bains Douches.
Ce beau livre posthume nous fait revivre ces grandes heures parisiennes. Dans la préface, Isabelle Safarian note : « Cet Eurasien est doté d’une grâce magnétique et d’une générosité naturelle qui touchent les cœurs. Il approche les artistes les plus secrets, partage les situations les plus confidentielles, entre en toute discrétion dans les intimités inaccessibles. C’est ce qui rend ses portraits si uniques, car il ouvre une voie qui mène aux mystères de l’identité. Il donne à ses objets photographiques un inaltérable statut de sujet. »
En feuilletant ce volume mis en page avec grâce et légèreté, on retrouve tout le souffle d’une époque déraisonnable en diable et où bien des papillons se sont brûlés les ailes à trop fréquenter les nuits et les fêtes. Le tout immortalisé par de très belles images où le photographe laisse les regards se perdre (il y a notamment des portraits splendides et parfois décalés de Mike Jagger, David Bowie et de Robert Smith). Au détour d’une série d’images, Patrick Eudeline souligne : « Il a eu l’excellente idée de l’art de l’instant, comme pour ses photos. C’est particulier comme feeling, c’est différent du travail d’un musicien ou d’un peintre par exemple, il n’y a pas de recul, cela doit être technique, immédiat, plus instinctif. C’est la grande force de la photo, liée à la chance des rencontres. »
Il y a aussi la sensibilité d’un photographe qui a su, parmi les premiers, capter le potentiel d’un groupe comme Indochine par exemple. Un oiseau de nuit qui n’a jamais perdu la trace d’un artiste apprécié pour le voir grandir, murir.
Ce recueil posthume est aussi enrichi de bien des témoignages : de Béatrice Dalle à Boy George. Un artiste dont Jean Claude Lagrèze racontait en 1984 : « Le look de George m’a tout de suite beaucoup attiré pour des photos. J’en ai fait souvent et beaucoup avec lui. George m’avait dit qu’il était fasciné par ce que Jean Paul Gaultier faisait. Comme je connaissais Jean Paul et qu’il appréciait beaucoup George, je les ai présentés l’un à l’autre… et je les ai pris en photo ensemble. »
Bref, un livre qui résume tout l’état d’esprit d’une époque et la fige un temps pour la faire revivre dans toutes ses intensités et ses excès.
(*) Ed. de La Martinière