Hommage
Le centenaire de la naissance du chanteur à la pipe est l’occasion de multiples évocations. Côté livre, Brassens l’enchanteur, de Bernard Lonjon l’évoque d’une manière originale. Côté coffret, L’intégrale Georges Brassens et ses interprètes (1952-1962) témoigne de l’inspiration riche dès ses débuts d »un l’artiste qui en influença bien d’autres.
Organisateur des journées Brassens 2021 à Sète, où il naquit le 22 janvier 1921, Bernard Lonjon aborde l’homme et l’œuvre d’une originale manière dans Brassens l’enchanteur (*) car, ainsi que le souligne le sous-titre, c’est une biographie au jour le jour. Outre la fine connaissance de l’œuvre, l’auteur a eu accès aux agendas de l’artiste ce qui lui permet de reconstituer par le menu la vie d’un « mécréant qui fut somme toute un sacré citoyen, libre dans son individualité« , comme il le souligne.
En parcourant encore les étapes de cette vie d’homme et de troubadour, on mesure comment le fils d’Elvira -veuve de guerre d’Alphonse Comte, tué au front- et de Jean-Louis Brassens, un solide maçon, avait déjà, dès le début de sa carrière forgé un style à nul autre pareil. Et ne barguignait déjà pas avec son amour de la liberté. Ainsi, alors membre de la rédaction du Libertaire, il connaît avec ses compagnons de plume des frictions, pour avoir voulu introduire un article sur le cinéma. Il dit alors : « J‘ai une violente envie d’écrire dans une feuille libre, entouré d’écrivains et non de rustres et d’ignorants. »
Au fil des années, Bernard Lonjon montre comment Brassens fut un artisan minutieux et un homme préservant son espace de liberté. En août 1960 – alors qu’il se produit au Vieux-Colombier de Juan-les-Pins avec, en première partie, un certain Johnny Hallyday – il évoque avec son ami journaliste Louis Nucéra sa manière d’écrire en disant qu’il ne peut écrire en tournée : « Pour travailler, il faut que je sois sur le chantier, chez moi. » Jamais la célébrité ne l’écarta de cette discipline de travail. Avec toujours le goût de la formule, y compris quand sa santé déclinait. Ainsi cet aphorisme qui date de 1980, quelques mois avant sa mort : « Les cons n’ont pas d’adresse. Ils habitent partout. » Du pur Brassens.
Autre plongée dans l’univers du créateur de La Mauvaise herbe, le coffret de L’Intégrale Georges Brassens et ses interprètes 1952-1962 (**). Si les premiers CD offrent du très connu avec les premières chansons et des classiques, du Fossoyeur à La Guerre de 14-18, il y a des plages qui suscitent la curiosité, notamment tous les poèmes en hommage à Paul Fort, notamment la version de 1961 de Comme hier.
Plus avant, on l’entend maugréer alors qu’il chante au cabaret « La Villa d’Este » qu’il ne va « quand même pas se casser la gueule » avant d’entonner La Mauvaise réputation. Entrecoupés de quelques chansons, et des versions inédites accompagnées par le fidèle Pierre Nicolas à la contrebasse et par Victor Viacella à la guitare, les entretiens avec Luc Bérimont donnent à entendre un Brassens qui n’est pas dupe de la notoriété, évoque son amour des poètes, sa philosophie de vie.
Enfin, deux CD regroupent des interprètes de Brassens avec, en premier lieu, Patachou qui lui donna sa première chance dans son cabaret et qui chante à merveille, quand elle ne le « dit » pas, J‘ai rendez-vous avec vous, dans une version swing, Brave Margot, dans lequel l’accordéoniste insuffle un côté fête de villages, ou encore Le Bricoleur, titre peu connu de Brassens.
Accompagnées de Michel Legrand et son orchestre, Catherine Sauvage et Juliette Gréco donnent de la voix, respectivement, sur Il n’y a pas d’amour heureux et La Chanson pour l’Auvergnat. Enfin, comment oublier Barbara qui, elle-aussi, posa sa griffe et son style sur les chansons de Brassens avec la belle version d’un texte devenu un classique : La Marche nuptiale. Plus inattendue est une chanson interprétée par Christian Mery et ce Vendetta au swing chaloupé en forme de clin d’œil à l’honneur corse. Bref, un coffret qui célèbre Brassens sous toutes ses formes.
(*) Ed. L’Archipel
(**) Disque Frémeaux & Associés
LE DIT DES MOTS 