Portrait d’un révolté

Roman

On connaît le talent de Sorj Chalandon pour décrire le réel, camper des personnages dans un décor. Dans L’Enragé, il raconte le cours d’un orphelin confronté au pire dans le centre pénitentiaire qui, jusqu’en 1977, accueillait des jeunes à partir de 12 ans, orphelins abandonnés par leur famille, petits délinquants. Un récit fort, poignant et prenant.

Deux ans après Enfant de salaud, dans lequel il racontait un père autoritaire et fou, Sorj Chalandon revient à l’enfance sous la forme, cette fois, d’une fiction, L’Enragé, qui raconte le destin d’un adolescent, surnommé « La Teigne » dans à un centre d’éducation surveillée à Belle-Ile-en-Mer dans les années 30. octobre 1932. De fait, Jules Bonneau, le vrai nom du protagoniste, une boule de violence et de blessures, est enfermé dans ce centre d’éducation , dans lequel on « mate » les voyous, mais où atterrissent aussi les enfants abandonnés ou les orphelins. Entre les murs de cette « prison » pour mineurs, règnent humiliations et violences. Dans ce décor de film, c’est la loi du plus fort qui s’applique aussi bien chez les adolescents, que du côté de l’administration, des surveillants avec des matons, qui exercent une violence constante, souvent injustifiée, en totale impunité… Pour un simple refus de dénoncer un camarade qui l’a humilié, Jules Bonneau est puni. Verbatim : « J’ai été condamné à trente jours de quartier disciplinaire, dont trois au pain sec et à l’eau. Privé de cours, de messe, de récréation et de réfectoire. Ils me punissaient, mais m’obligeaient à travailler. » Et ce n’est bien à côté des châtiments corporels subis par les pensionnaires et qui poussent certains au suicide. Il y a alors dans certaines pages la force de Victor Hugo, auquel l’auteur fait d’ailleurs clairement référence.

Jules Bonneau, le nom de « La Teigne » résonne fort dans ce récit, car il rappelle celui d’un Jules Bonnot. Et le romancier de souligner :  » Mon père était un paysan mayennais. Je ne sais même pas s’il savait qui était l’anarchiste, mais l’ombre de cet homme me suivait depuis toujours, de mon premier placement en famille d’accueil à ma condamnation pour vol, rébellion et outrage. »

D’une écriture au scalpel, se glissant dans la peau du rebelle, Sorj Chalandon plonge le lecteur dans cet univers carcéral, planté sur une île dont personne ne s’échappe, sauf que, dans la nuit du 27 août 1934, 56 gamins se révoltent et s’échappent de cette colonie pénitentiaire avant d’être repris, chassé comme des animaux par les habitants pour toucher une belle récompense , sauf un : la « Teigne ».

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