Lorsque l’ado paraît

Dans une France de 2047, Pierre Grand-Dufay imagine une histoire où l’intelligence artificielle ne tue pas toute initiative personnelle et un esprit d’indépendance face au matérialisme très en vogue. Le Monde de Tim (*) serait une utopie sympathique sans un arrière-fond idéologique pas toujours léger…

La belle couverture du Monde de Tim montre un visage d’adolescent, coiffé d’un bonnet, qui vous fixe intensément. Ce pourrait être le jeune Tim, héros du roman de Pierre Grand-Dufay, actuellement président d’un fonds d’investissement dans la région PACA. Nous sommes en 1947 et la vie de Claire et Paul, un couple heureux, en pleine ascension sociale, est bouleversée par l’irruption d’un orphelin de 15 ans, Tim… Sa venue et son regard « naïf » sur la société gérée par l’intelligence artificielle met vit à rude épreuve les certitudes du couple qui ne remet pas vraiment en question sa manière de vivre.

Dans la première partie du livre, Pierre Grand-Dufay parvient, avec de nombreux détails qui sonnent juste, à montrer comment la France de 2047 est placée sous le règne de l’Intelligence artificielle, notamment par le truchement d’un personnage clé de l’histoire, Esther, l’assistante « IA » omniprésente du couple. Ce qui provoque les premières colères du jeune Tim, habitué à une vie plus authentique avec ses parents en Guyane. Ainsi quand il lance à son père adoptif : « Tu ne vois pas l’essentiel, tu discutes avec Esther comme si c’était avec elle que tu étais parti en voyage, je me demande parfois si tu ne l’aimes pas plus que Claire ! Tu ne regardes pas les gens, les paysages, tu écoutes justes ses commentaires ! » À l’heure du mobile omniprésent dans la société, on se demande alors si certains pages ne sont pas prémonitoires… Et, dans ce meilleur des mondes futurs, les cadres travaillent dur dans une société où le collectif semble primer sur l’individuel.Là où l’histoire perd de sa force, c’est quand le récit se teinte d’une argumentation politique. Sans s’appesantir sur certaines pages à la gloire du « macronisme » ambiant -« À peine installé, il s’est mis au travail et a traité les vieux problèmes de la société française un à un avec courage et lucidité », écrit Pierre Grand-Dufay évoquant les réformes qui auraient dopé la France de 2047 – le final de l’histoire où l’on croise d’anciens compagnons d’armes du père de Tim et où l’on évoque les valeurs de la Légion étrangère nous replongent dans une atmosphère des romans coloniaux des années 30.

Certes, le retour du couple à ses origines et son installation dans le Panier – on sent les attaches profondes de l’auteur pour Marseille-  aujourd’hui envahi par les nouveaux bobos, symbolise  une espèce de rédemption face à une société déshumanisée, mais l’on peut s’interroger sur l’universalité des valeurs de la Légion étrangère dont l’auteur passe vite en revue la réalité des vraies missions guerrières… Surtout quand le final de l’histoire se conclue par les célébrations du combat de Camerone, une bataille lors de « laquelle 60 légionnaires ont tenu tête à 2 000 Mexicains ! » L’utopie, permis par le regard d’un adolescent pas encore contaminé par les manies des adultes,  aurait peut-être d’imaginer un monde où l’Intelligence artificielle fait mieux que  le commun des hommes sur le plan des conflits planétaires.

(*) Ed.Pierre Guillaume de Roux

 

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