Pas de vacances pour Boccanera

On retrouve dans Après les chiens (*), la plus Niçoise des détectives, Ghjulia Boccanera. Avec l’héroïne, née de l’imagination de Michèle Pedinielli, les cadavres jonchent vite les chemins vicinaux de Nice.

Après les chiens commence par un jogging qui se termine sur un cadavre ! Nous sommes printemps 2017. Ghjulia Boccanera tombe  à Nice sur le cadavre d’un jeune Érythréen. Si l’enquête de police est confiée à son ex, le commandant Santucci, Diou décide de remonter elle-même la piste pour découvrir l’identité du mort et ne pourra éviter de chercher aussi celle de son bourreau. Une piste qui la mène sur la route des réfugiés fuyant la terreur de leurs pays d’origine et qui tentent de passer en France pour atteindre ­l’Allemagne ou l’Angleterre, nouvelles terres promises.

Avec Ghjulia Boccanera, Michèle Pedinielli a inventé une détective féministe et culottée qui connaît Nice et son arrière-pays comme sa poche. Cette fois, elle a imaginé une histoire à tiroir où l’on passe d’une histoire de résistance et d’exécution de résistants durant l’automne 1943 à une enquête où les réfugiés jouent à saute-frontière en espérant gagner l’Eldorado anglais ou allemand. Mais, à Nice, comme malheureusement ailleurs en France, l’immigré devient vite le bouc émissaire d’une bande de fachos qui confondent patrie et nationalisme faisandé, remuant des remugles d’un passé que l’on croyait oublié.L’auteure n’y va pas par quatre chemins et écrit : « C’est tellement facile de faire peur que c’est le levier le plus utilisé pour beaucoup de salopards au pouvoir. Elle est glorieuse, tiens, la cinquième puissance mondiale, à trembler et à choisir avec circonspection la poignée d’exilés qu’elle va bien vouloir accueillir. Quand le Liban en héberge ce qui représente environ le quart de sa population. Une honte nationale. »

C’est dans ce registre, quand l’auteur décrit ces citoyens français qui osent aider les migrants que Après les chiens a le plus de force, quand elle montre comment ces jeunes néonazis se font tatouer des signes distinctifs, hier réservés au corps des SS, pour se sentir appartenir à une famille. Et quelle famille ! C’est dans ces indignations que Michèle Pedinielli ne peut que nous toucher, pour peu qu’on ait la fibre altermondialiste et un brin anar.

Là où ce polar perd un peu de sa force, c’est dans certains détails qui parfois se répètent : que les chiens se reniflent le derrière et aiment lécher le visage de ses maîtres, c’est bien connu, mais point n’est besoin de trop s’appesantir là-dessus. De même, si Ghjulia  aime la picole – sans doute pour oublier des amours en déroute quotidienne- ce n’est pas capital pour l’économie du récit. Mais, on peut mettre ses défauts d’un deuxième roman à un trop plein d’énergie de l’auteure et une manière de raconter non dénuée d’humour. Même si elle sait aussi réunir ses deux histoires croisées au final en faisant appel à l’esprit du vieil Aragon.

(*) Ed. L’Aube noire

 

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